🇫🇷 EROS ET THANTOS, OU BRUGES EN ROUGE ET NOIR – Paul in La Ville Morte – OpĂ©ra National de Lorraine Ă  Nancy

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Le public a salué par une salve d’applaudissements nourris le travail vocal et dramatique de Michael Hendrick dont l’émission puissante et généreuse a été un gage de vitalité du pauvre veuf mais dont le timbre quelque peu obscur a su exprimer cependant la détresse du personnage.

Die tote Stadt – La ville morte d’Erich Wolfgang Korngold

Nancy – OpĂ©ra National de Lorraine

S’il est vrai que de nombreux personnages meurent Ă  l’opĂ©ra, il est très rare en revanche qu’un opĂ©ra fasse de la mort son principal sujet. Die tote Stadt – La ville morte d’Erich Wolfgang Korngold pose la question, angoissante de l’omniprĂ©sence de Marie, une femme morte, dans les pensĂ©es de Paul son mari, au point de l’envahir et de bloquer complètement sa vie. Après une longue lutte contre lui-mĂŞme, aidĂ© bien malgrĂ© lui par Franck son ami et par Marietta, une danseuse rencontrĂ©e par hasard dans la rue qui ressemble Ă  Marie comme un sosie il dĂ©cide dans la douleur de revenir parmi les vivants.

A Bruges, tous les jours ont l’air de la Toussaint » selon Georges Rodenbach, l’auteur du roman dont s’est inspirĂ© le compositeur. Celui-ci accorde beaucoup d’importance au parallèle entre le cotĂ© morne et sombre de Bruges la « ville morte », la “ville musĂ©e” confite en dĂ©votions, et la vision dĂ©pressive du veuf tournĂ© vers son passĂ©. Pourtant contrastant avec la noirceur, la tristesse de Bruges la bigote, s’exprime une vie pleine de joie, libertine, Ă©rotique, symbolisĂ©e par Marietta – danseuse vĂŞtue de rouge – et sa troupe sympathique et farfelue. L’orchestre luxuriant accompagne cette force vitale. Paul est Ă©cartelĂ© entre la fidĂ©litĂ© Ă  son amour mort et son attirance sexuelle pour Marietta, entre le passĂ© et l’avenir, la mort et la vie. Sa douleur est accentuĂ©e, alimentĂ©e par la culpabilitĂ©, la censure que la religion fait peser sur lui.

A la diffĂ©rence de la mise en scène de Willy Decker (voir Webthea des 9 mai 2006 et 19 octobre 2009) qui dĂ©coupe la scène en profondeur sur deux ou trois plans, Philipp Himmelmann a choisi de tout reprĂ©senter sur un seul plan –dans un dĂ©cor de Raimund Bauer- avec six cases identiques (trois cases en ligne sur deux niveaux) Ă©tanches entre elles, oĂą il a placĂ© ses acteurs principaux sans qu’aucun d’eux ne se trouve jamais dans la mĂŞme case qu’un autre. Cela a sans doute demandĂ© beaucoup de travail : bien que ne se voyant pas, la coordination des gestes des acteurs est parfaite. Mais cela a sans doute aussi autorisĂ© les postures osĂ©es de Marietta et Paul, qui auraient peut-ĂŞtre Ă©tĂ© plus difficiles Ă  interprĂ©ter si les acteurs avaient jouĂ© l’un près de l’autre. On peut remarquer par ailleurs que la mise en scène a Ă©liminĂ© pratiquement tout symbole religieux dans ce dĂ©cor (procession, croix, chasubles..).

Le fait que la représentation soit présentée en continu – deux heures et demi- aide à maintenir l’intensité de l’émotion, mais la puissance de l’orchestre et des voix étaient telles que les coupures canoniques entre les trois actes auraient été les bienvenues, et ce d’autant plus que le compositeur avait prévu en début de chaque acte une introduction orchestrale suffisante pour que le public puisse se raccrocher à l’histoire sans difficulté.

L’enchantement dans la fosse et la scène

La dimension considĂ©rable de l’orchestre et la variĂ©tĂ© des instruments utilisĂ©s – Erich Wolfgang Korngold fut un orchestrateur sans pareil – ont produit des combinaisons de timbres inouĂŻes et, si le compositeur est restĂ© fidèle Ă  la musique tonale il ne s’est pas privĂ© d’inclure dans la partition des dissonances afin d’illustrer le dĂ©sarroi de Paul ou l’agacement de Marietta. Sous la direction de Daniel Klajner, lors de la dernière reprĂ©sentation, l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, dĂ©bordant d’énergie, sans pathos excessif et respectueux de la partition, un peu brouillon peut ĂŞtre par moments, a magnifiĂ© efficacement les doutes et les certitudes des personnages.

Le public a salué par une salve d’applaudissements nourris le travail vocal et dramatique de Michael Hendrick dont l’émission puissante et généreuse a été un gage de vitalité du pauvre veuf mais dont le timbre quelque peu obscur a su exprimer cependant la détresse du personnage. Tout à l’opposé la soprano finlandaise Helene Juntunen –Marie et Marietta- dont le timbre lumineux et la facilité étonnante à passer du registre lyrique au tragique ont fait de ses deux personnages, des atouts considérables. Thomas Oliemans–Franck a tiré son épingle du jeu avec élégance ainsi que tous les acteurs de la troupe de Marietta. Seule Nadine Weissmann a peiné quelque peu dans sa tâche, en particulier au début du premier acte.

Die tote Stadt opĂ©ra en trois actes, livret de Paul Schott d’après le roman « Bruges-la-morte » de Georges Rodenbach. Production de l’OpĂ©ra de Nancy. Mise en scène de Philipp Himmelmann. DĂ©cors de Raimund Bauer. Direction musicale de Daniel Klajner. Chanteurs : Michael Hendrick, Helena Juntunen, Thomas Oliemans, Nadine Weissmann, AndrĂ© Morsch, AndrĂ© Post, Aurore Ugolin, Yuree Jang, Alexander Swan. OpĂ©ra de Nancy les 9, 12, 14, 16 et 18 mai 2010.

http://www.webtheatre.fr/Die-tote-Stadt-La-ville-morte-d-2334

by Jaime EstapĂ  i ArgemĂ­

Webtheatre.fr

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